Quels revêtements pour les voies vertes
Le nombre de kilomètres d’aménagements cyclables progresse chaque année en France, non seulement en zones urbaines mais également en zones peu denses. Dans ces dernières, ce sont très souvent des voies vertes, à l’écart du trafic motorisé, qui sont réalisées, rarement ex nihilo, plus souvent sur des chemins de halage, sur des chemins d’exploitation ou ruraux, ou d’anciennes lignes de chemin de fer, tracés sur lesquels existent déjà des fondations.
Se pose ensuite pour chaque projet la question du revêtement le plus adéquat à mettre en œuvre. Deux types de revêtement sont souvent mis en comparaison : le stabilisé et l’enrobé. Le premier a la réputation d’être plus écologique, le second, plus polluant. Il n’est est rien. L’AF3V et FNE (France Nature Environnement) ont produit en 2019 un travail commun qui a fait nettement pencher la balance en faveur de l’enrobé. Mais ce travail n’est pas encore connu de tous. L’AF3V en a également fait l’un des 10 engagements de son plaidoyer en 2021 (10 engagements pour une mobilité d’avenir – AF3V – Voies vertes, en route pour le vélotaf !).
Pour combattre les idées reçues relatives à la réalisation de voies vertes, voici quelques arguments objectivés à avancer :
– L’artificialisation des sols : les aménagements cyclables ne représentent que 0.2 % des surfaces artificialisées en France, d’après une étude menée par le cabinet BL Evolution en 2021 (le lien vers l’étude complète se trouve en fin d’article).
Chaque année en France, ce sont 56 200 hectares qui sont artificialisés pour les infrastructures de transport, le logement, les zones commerciales et d’activités, ce qui équivaut à plus de 187 000 kms d‘aménagements cyclables. Rien de comparable avec les 25 400 kms d’aménagements cyclables inscrits au Schéma National des Véloroutes réalisés en 20 ans…
Ce sujet complexe fera l’objet d’un article à part entière dans les prochains mois.
– L’imperméabilisation des sols : le stabilisé imperméabilise les sols quasiment autant que l’enrobé. En effet, le coefficient d’imperméabilisation d’un stabilisé varie de 0.70 à 0.85 suivant le type mis en oeuvre; celui d’un enrobé est de 0.95. Il suffit de regarder à quoi ressemble une voie en stabilisé au bout de quelques mois ou années : on y trouve des ornières, des flaques d’eau de pluie qui stagnent et ne sont pas absorbées. Tous ces désordres rendent la voie glissante, impraticable et dangereuse et desservent le développement de la pratique utilitaire, car ce matériau n’est ni propre, ni confortable, ni très “roulant”.
Le revêtement, maillon faible du réseau des véloroutes voies vertes | AF3V
– La pollution des eaux : une voie verte en enrobé ne pollue pas l’eau. D’une part parce que l’enrobé est le matériau le plus inerte de tous ceux étudiés ; d’autre part parce que les véhicules qui circulent sur les voies vertes sont dépourvus de motorisation thermique et ne rejettent donc aucun polluant. Ce thème a déjà fait l’objet d’un article à retrouver ici : https://www.af3v.org/voies-vertes-en-enrobe-et-pollution-de-leau-laf3v-met-un-uppercut-aux-idees-recues/
– Le bilan écologique : l’enrobé (appelé béton bitumeux) est le matériau qui présente l’empreinte carbone la plus faible sur un cycle de vie. Le stabilisé, dont la durée de vie est de 4 ans, demande un entretien régulier. L’enrobé ne nécessite aucune réfection pendant 15 ans, ce qui en fait en outre un aménagement au coût maîtrisé.
Extrait de l’étude de BL Evolution : Les impacts environnementaux des aménagements cyclables
– Le report modal : l’enrobé favorise le report modal vers le vélo. C’est autant d’émissions de gaz à effet de serre, de polluants atmosphériques et de particules fines en moins. Une voie verte en enrobé attire 5 à 10 fois plus d’usagers qu’une voie verte en stabilisé, car elle est utilisable en toutes saisons. C’est ce qui a été observé dans la région de Chambéry, lors du doublement d’une voie existante en stabilisé par une voie en enrobé. Le trafic s’est intégralement reporté sur la partie en enrobé.
– Les voies vertes en enrobé sont inclusives : les personnes à mobilité réduite telles que les personnes en fauteuil peuvent y circuler aisément car c’est un matériau “roulant”. Ce n’est pas forcément le cas sur un stabilisé dégradé.
– Des voies attractives et accessibles à tous : la dichotomie loisir/vélotaf doit être dépassée. Les voies vertes doivent être conçues pour tous les usages. Lorsqu’on construit une route, personne ne cherche à savoir si les automobilistes l’utiliseront pour des trajets utilitaires ou de loisir. Il devrait en être de même pour les trajets à vélo. Si le tronçon est pertinent et bien réalisé, il sera utilisé par tous les types de cyclistes et tous les types de trajets.
Au moment où les mobilités sont un véritable enjeu de transition écologique et où la part modale du vélo doit atteindre 9% en 2024 et 12% en 2030, objectifs fixés par le Plan Vélo et la Stratégie nationale Bas Carbone, la qualité du revêtement est cruciale. Les voies vertes en enrobé sont un des leviers pour atteindre les objectifs définis car elles sont attractives et accessibles à tous. Ainsi elles deviennent une véritable alternative à la voiture individuelle dans les territoires peu denses dans lesquels il n’existe pas ou peu d’aménagements cyclables et pas ou peu de transports en commun efficients.
Pour aller plus loin :
- Webinaire organisé par l’AF3V et France Nature Environnement
- Acte du webinaire (document réservé aux adhérents de l’AF3V)
- https://www.bl-evolution.com/publication/les-impacts-environnementaux-dun-amenagement-cyclable/
- https://www.velo-territoires.org/actualite/2019/12/16/enjeux-environnementaux-revetements-amenagements-cyclables
- https://www.isabelleetlevelo.fr/2022/06/07/renaissance-dune-voie-verte-en-avesnois