LA VOIE VERTE, UN CONCEPT TRES SIMPLE DEFINI PAR UNE REGLE ET PAR UN PANNEAU Une règle pour l’aménagement et pour ses usagers La voie verte a vu le jour par décret en 2004 : « Il s’agit d’une « route exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés, des piétons et des cavaliers ». Ces…
LA VOIE VERTE, UN CONCEPT TRES SIMPLE DEFINI PAR UNE REGLE ET PAR UN PANNEAU
Une règle pour l’aménagement et pour ses usagers
La voie verte a vu le jour par décret en 2004 : « Il s’agit d’une « route exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés, des piétons et des cavaliers ». Ces derniers sont seulement admis si un panonceau « cavaliers » est ajouté.
Ce texte de 2004 a été modifié en raison de l’arrivée des engins de déplacements personnels motorisés (EDPM) par décret en 2022: « voie verte : route exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés à l’exception des engins de déplacement personnel motorisés, des cyclomobiles légers, des piétons et des cavaliers. Par dérogation, les véhicules motorisés mentionnés à l’article R. 411-3-2 peuvent également être autorisés à y circuler dans les conditions prévues au même article ». Il s’agit les véhicules motorisés utilisés par une catégorie d’usagers ou par les titulaires d’une autorisation individuelle, qui peuvent, par dérogation, être autorisés à circuler pour accéder aux terrains riverains, sous réserve de respecter la vitesse maximale autorisée qu’elle fixe et qui ne peut excéder 30 km/ h.
C’est seulement en 2013 que le Certu publie une fiche dédiée à la voie verte qui « a pour objet d’examiner et de clarifier les domaines d’emploi de cet outil réglementaire. Elle s’attache en particulier à préciser ce que peut et ne peut pas être une voie verte »11. Elle précise notamment que:
- la voie verte doit être considérée comme une emprise indépendante en site propre et non comme une dépendance d’une voie existante : par exemple, un trottoir ne peut pas être considéré comme une voie verte ;
- en l’absence de carrefours et d’accès riverains ou lorsque ceux-ci sont rares et distants, il est possible de créer une voie verte, parallèle à l’infrastructure. Cela nécessite une emprise permettant de mettre en œuvre une séparation forte avec la voirie longée ;
- une largeur de 3,00 m minimum est recommandée.

Un seul panneau
La voie verte, introduite dans le code de la route en septembre 2004, a souvent été indiquée à l’aide du panneau B7b (interdiction d’accès d’une rue ou d’un espace ouvert à la circulation à tous les véhicules à moteur). Or, ce panneau n’a plus d’utilité pour les voies vertes depuis l’introduction par arrêté d’un panneau de signalisation spécifique en juin 2008 pour le début (panneau C115) et la fin (panneau C116) de la voie verte.

MALGRE CE CONCEPT TRES SIMPLE CELUI-CI N’EST SOUVENT PAS RESPECTE
La France possède beaucoup de vraies et souvent très belles voies vertes dont l’aménagement respecte le code de la route. Elles sont plutôt situées en milieu rural.
Afin de contribuer au développement des voies vertes et véloroutes et de promouvoir des aménagements de qualité, avec l’appui du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire,

L’AF3V propose un label pour les véloroutes et les voies vertes : Le label 3V Belle Voie. Les premières labellisations datent de 2022, par exemple la Promenade Périgord – Quercy (V91), la voie verte du Pays de Bray sur l’Avenue Verte London-Paris (V16)2 2

Mais, malheureusement, la France comprend également un très grand nombre de fausses voies vertes dont l’aménagement et/ou la signalisation ne correspond pas au code de la route. Elles concernent le plus souvent des trottoirs en milieu (péri)urbain.

La France a adopté en 2005 la loi pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui, avec ses décrets, affirme le rôle de sanctuaire pour les piétons des trottoirs. Le non respect des trottoirs par l’utilisation des panneaux de début et de fin de voie verte peut être considéré comme un détournement réglementaire pour justifier des fausses voies vertes.

Il convient de signaler que la protection des automobilistes est bien plus stricte celle des piétons. En effet, la circulation des cyclistes ou des piétons est interdite sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute… et le montant de l’amende s‘élève à 750 euros maximum. Par contre sur le trottoir le stationnement des voitures et leur circulation ainsi que celle des cyclistes (à partir de 8 ans) et des usagers d’EDPM sont interdits. En cas d’infraction l’amende s’élève seulement à 135 euros.

Le Département de la Manche expérimente depuis 2023 la requalification de petites routes départementales en voies vertes qui sont exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés à l’exception des engins de déplacement personnel motorisés, des cyclomobiles légers, des piétons et des cavaliers. MAIS, par dérogation (conforme au décret de 2022), les véhicules motorisés y sont interdits sauf ceux des riverains à condition de respecter la limitation de 30 km/h.
Le concept de la voie verte risque d’être fragilisé par cette configuration:
- si le nombre de riverains autorisés est important ainsi que le trafic que cela engendre ;
- lorsque le panneau « Sauf riverains » n’est pas respecté ce qui augmente le trafic. Cela est souvent le cas dans des secteurs où l’on contrôle peu… ;
- il est bien connu que le respect du 30 km/h est difficilement tenable sur des petites voies rurales où les contrôles et verbalisations sont rares… plus le tronçon est long, plus ce risque augmente.
S’agirait-il de nouvelles fausses voies vertes en gestation ?

POURQUOI 30 ANS APRES SA CREATION LA VOIE VERTE N’EST TOUJOURS PAS MURE ???
La voie verte est un aménagement cyclable intéressant à condition de la traiter en site propre et avec une largeur adaptée (3 m à 5 m) au nombre de cyclistes (et usagers des EDPM) et de piétons. Le Cerema évoque un maximum de 3000 cyclistes par jour, mais n’aborde pas la fréquentation des piétons…
Pourquoi cet outil simple et clair a dérivé et cela parfois vers le fameux « grand n’importe quoi » ? Le Cerema dit cela de manière plus modérée : certaines collectivités locales utilisent ce statut de voie verte de manière inadaptée en cherchant à résoudre des problématiques de flux piétons et cyclistes faibles en qualifiant ainsi des trottoirs33.

Il y a au moins deux explications pour la présence des nombreuses fausses voies vertes :
– l’approche ignorante ou incompétente. En effet, il est probable que dans certains cas l’aménageur a installé les panneaux de début et de fin voie verte en croyant bien faire et sans se poser beaucoup de questions. Toutefois, avec tous les documents disponibles en 2024 (Cerema, guides, chartes…), le nombre de ces cas devrait être limité.
– la pratique « autruchienne »… adoptée quand on ne se refuse d’affronter correctement un problème. Puisque la voie verte concerne les piétons et les cyclistes sa création est souvent considérée comme une solution de facilité. Elle permet de répondre aux critiques en disant « vous voyez bien que nous nous sommes occupés des cyclistes » ….. La voie verte est ainsi devenue un fourre-tout pour se donner bonne conscience. Au fil des années et en absence de tout contrôle réglementaire (un mal bien français) les fausses voies vertes ont pu ainsi se multiplier.
PEUT-ON ENCORE INVERSER LA MAUVAISE EVOLUTION DES VOIES VERTES ?
Ce sont les fausses voies vertes qui ont terni l’image et la lisibilité de la voie verte et qui ont créé des configurations inconfortables, voire dangereuses pour les piétons. Il est tout à fait possible de redorer le blason des voies vertes. Les propositions suivantes vont dans ce sens.
Supprimer toutes les fausses voies vertes
Si l’on souhaite le respect de la réglementation, ce qui paraît une évidence, alors il est nécessaire de supprimer toutes les fausses voies vertes. C’est le seul moyen permettant de redonner aux vraies voies vertes leur crédibilité. Cette action d’envergure nécessite d’une part, une décision forte au niveau national et, d’autre part, une communication soutenue pour sa réussite.
La question qui mérite d’être posée dans ce cas : est-ce-que dans certains cas le trottoir peut être un espace partagé entre piétons et cyclistes ? Dans la situation actuelle la réponse est : NON, MAIS…

NON
« Il n’existe pas en France de statut réglementaire permettant aux piétons et aux cyclistes de
circuler ensemble sur une même partie de la chaussée du type « trottoir ». Seuls les enfants
de moins de huit ans sont autorisés à emprunter les trottoirs à vélo, à condition de rouler à
une allure raisonnable et de ne pas gêner les piétons.
« Parmi les signataires de la convention de Vienne sur la signalisation en 1968, la France est un des rares pays à n’avoir retranscrit ni dans son code de la route ni dans l’instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) la possibilité d’avoir des trottoirs partagés piétons – cyclistes sans séparation ségréguant les modes (panneau D11b de la convention de Vienne : itinéraire mixte vélo et piéton).»44
MAIS
Un grand nombre de communes a décidé de passer outre à la réglementation en vigueur.
Ces quelques panneaux en témoignent. Là encore il s’agit souvent de solutions de facilité…

Pour les trottoirs avec des carrefours et accès riverains rapprochés et en absence de toute alternative possible pour les cyclistes, la question des trottoirs partagés piétons – cyclistes mérite d’être remise au débat . En effet, à titre exceptionnel cette cohabitation devrait être possible lorsque la fréquentation des piétons est très faible. L’étude du Cerema sur ces trottoirs partagés à l’étranger55 signale parmi les contextes relevés :
- la situation de comptabilité piétonne : des trottoirs peu fréquentés (< 100 usagers/heure) avec une forte proportion de piétons et une faible proportion de cyclistes
- une largeur minimale du trottoir partagé piétons – cyclistes de 2 m pour une circulation
unidirectionnelle et de 3 m pour une circulation bidirectionnelle.
L’association 60 Millions de Piétons n’exclut pas le concept de trottoir partagé comme l’une des solutions, moyennant des règles qui se rapprochent de celles des aires piétonnes.
Augmenter le nombre de voies vertes en transformant certains aménagements
Il est fréquent que des pistes cyclables, obligatoires ou facultatives, soient empruntées par les piétons. Or, cela n’est pas autorisé par le code de la route qui spécifie que le terme de piste cyclable désigne une chaussée exclusivement réservée aux cycles et aux EDPM. Dans ces situations il est souhaitable de transformer ces pistes cyclables en voies vertes, à condition qu’elles répondent aux règles d’aménagement.

CONCLUSION : TOUT LE CODE DE LA ROUTE, RIEN QUE CE CODE
Il est grand temps que la voie verte retrouve sa place normale parmi les différents aménagements cyclables réglementaires. Pour y parvenir la suppression de toutes les fausses voies vertes sera nécessaire. Cela rendra les voies vertes non seulement plus lisibles et cohérentes mais aussi moins fragiles en termes juridiques. En effet, suite à un constat de défaut d’aménagement ou suite à un accident sur une fausse voie verte la collectivité peut être attaquée en justice. Par exemple l’association « 60 Millions de Piétons » soutient un recours contre la ville de Saint-Brieuc auprès du Tribunal administratif pour une fausse voie
verte.
Les fausses voies vertes à supprimer sont principalement des trottoirs. Pour les trottoirs peu fréquentés par les piétons et dont la fréquentation des cyclistes serait faible, le statut du trottoir partagé piétons – cyclistes mérite d’être expérimenté à l’aide d’un panneau spécifique et d’être rajouté au code de la route en cas d’expérimentations positives.
Le département de la Manche expérimente depuis 2023, sur des petites routes transformées en voies vertes, l’autorisation par dérogation (conforme au décret de 2022) des véhicules motorisés des riverains à condition de respecter la limitation de 30 km/h. Cette expérimentation semble créer des voies vertes en mode dégradée sur des voies qui sont plutôt des itinéraires cyclables sur des petites routes où l’on souhaite à juste titre réduire la vitesse et le trafic. L’évaluation de ces expérimentations est urgente pour éviter que, si elle est négative, cette solution se répande comme les fausses voies vertes sur les trottoirs.
L’AF3V préfère conserver l’expression “voies vertes” pour les aménagements entièrement dédiés aux modes de déplacement actifs.
- Fiche n°4 – La voie verte, maillon d’un réseau cyclable urbain et piéton. Certu janvier 2013 ↩︎
- https://www.af3v.org/les-voies-vertes/voies/32-avenue-verte-london-paris-voie-verte-du-pays-de-bray-deforges-les-eaux-a-mesnieres-en-bray/ ↩︎
- Les trottoirs partagés piétons-cyclistes à l’étranger. Cerema 2016 ↩︎
- Les trottoirs partagés piétons-cyclistes à l’étranger. Cerema 2016 ↩︎
- Les trottoirs partagés piétons-cyclistes à l’étranger. Cerema 2016 ↩︎
HANS KREMERS, architecte-paysagiste néerlandais, habite et travaille depuis 1980 à Bordeaux. Il s’est investi activement pendant une douzaine d’années depuis 1981 dans l’association locale Vélo-Cité qu’il a présidé. Il en est devenu membre passif pour pouvoir exercer de manière neutre le travail de consultant. Ce dernier a été consacré depuis 2012 entièrement à la mobilité active.
Le présent article existe grâce à une première version publiée sur le blog « Isabelle & le vélo » de janvier 2025